Tous les sondages annoncent la progression du FN à
l'occasion des élections municipales des 23 et 30 mars prochain. Une situation
qui inquiète les états-majors politiques de gauche et droite, et plus
particulièrement dans certains territoires, dans les zones périurbaines situées
entre 30 et 50 km du cœur des grandes agglomérations.
Crépy en ValoisOise, d'environ 15
000 habitants. Julien Langlet © Radio France
Historiquement déjà depuis 15 ans, il y a ce que les
politologues appellent un "survote frontiste" dans ces territoires
périurbains représentants aujourd'hui 28% du corps électoral. Plus de 25% des
suffrages par exemple pour Marine Le Pen en 2012 lors du 1er tour de laprésidentielle
dans l'Oise, 7 points de plus que son score national.
Le vote Front national est le plus puissant dans les milieux
populaires, explique Jérôme Fourquet qui dirige le département opinion et
stratégie de l'IFOP qui précise : "Il y a une concentration
des hauts revenus dans le cœur des agglomérations et les catégories populaires
résident dans le périurbain en raison du prix élevé de l'immobilier".
Une arrivée massive de nouveaux habitants
La conséquence, c'est une arrivée massive de nouveaux
habitants dans ces territoires, comme l'Oise par exemple, où la moitié des
800.000 Isariens n'y vivait pas il y a dix ans. Les infrastructures, les
services publics sont parfois éloignés, ils ont même disparu, provoquant un
sentiment d'isolement.
Un malaise qu'a perçu le président socialiste du
Conseil général de l'Oise au travers d'une étude financée par ses services. "Le
desserrement de Paris et de la région parisienne a projeté sur l'Oise une
partie de la population de ces territoires qui croyait découvrir un eldorado
vert et ils ont surtout découvert l'enfer vert !" explique
Yves Rome. "Ils font des mouvements pendulaires dans leurs
migrations quotidiennes qui les occupe parfois entre cinq et six heures par
jour. Ces conditions créent par la-même l'abandon et l'isolement".
Et le président du département d'ajouter qu'une
des solutions à ce problème pourrait être le télétravail et les réseaux
internet afin de réduire ces mouvements pendulaires avant d'en appeler à l'Etat
pour développer des maisons de services publics dans les cantons les plus à
l'écart des grandes agglomérations de son département.
Les " invisibles" de Marine Le Pen
Ce sentiment d'abandon et d'isolement d'une partie de la
population, de ces fameux invisibles de Marine Le Pen, ajouté au contexte
économique du moment, semblent donc faire le lit du vote frontiste.
A Crépy en Valois dans l'Oise (15.000 habitants) à 60km au
nord-est de Paris, c'est jour de marché le mercredi sur la place de la
République et on n'hésite pas à parler de politique. Sylvie vend des chicons et
des oignons depuis 20 ans et elle harangue les clients : "Et
vous avez voté quoi vous ? Ah, elle n'a pas voté François Hollande ?
Mais comment a-t-il fait pour être élu, personne ne dit avoir voté pour lui. Et
bien moi j'ai voté pour lui et je le regrette", ajoute cette
figure du marché crépynois.
"Il faut lui laisser un peu de temps",
répond en écho Nabil maraîcher lui aussi. Un peu plus loin, derrière son étal
de chaussures d'occasions, Daniel jure qu'il ne votera plus pour les partis
traditionnels après avoir voté François Mitterrand en 1981 puis Nicolas Sarkozy
en 2007, même si pour les élections municipales, il votera pour son maire qui
n'est pas de son bord politique mais il fait bien son travail, dit-il. "Je
crois qu'il y a une forte augmentation du Front National", répond
en écho Jean-Pierre qui est arrivé sur la commune en 1967. "Pour
moi, ce n'est pas la bonne solution car on est quand même pas là pour foutre la
m..., on est là pour vivre, pas pour se taper dessus, sinon à quoi ça
sert ?"
Le marché de Crépy-en-Valois. Julien Langlet © Radio
France
Objectif : des mairies "bleu marine"
En attendant, cela sert les intérêts du Front national et de
son vice-président Florian Philippot. Ce dernier est ambitieux à l'orée de
ces municipales. "C'est vrai que dans ces zones péri-urbaines, les
banlieues mais aussi les zones rurales et les villes moyennes de province - il
pense à Forbach où il est candidat, on nourrit de grandes ambitions et c'est
peut-être la que l'on pourra avoir des mairies, que l'on verra des mairies
devenir bleu marine et qu'on aura aussi pas mal d'élus". Il faut dire
que le Front national part de loin, avec seulement 65 conseillers municipaux à
ce jour et aucun maire en fonction.
Pour essayer d'atteindre son objectif, le Front national a
ciblé uniquement des communes de plus de 9.000 habitants (il n'y en a que 1.000
dans l'Hexagone) et seulement là où aux dernières législatives, le FN a fait
plus de 12.5%, car le parti de Marine Le Pen sait que la partie ne sera pas
facile dans une élection appréciée des Français où la personnalité du maire
joue un rôle important et où l'abstention reste faible.
Franck Riester, le maire UMP de Coulommiers en Seine et
Marne compte là-dessus pour endiguer la percée frontiste dans la grande
banlieue parisienne : "La dimension personnelle joue dans
cette élection. Une partie des électeurs vote Front national par défiance
envers les politiques et quand on essaye, humblement, sereinement, d'être
concentré sur ce qu'est sa responsabilité d'élu, à tenir ses engagements,
d'être à la rencontre des gens et bien il y a un certain nombre de personne qui
en tiennent compte dans leur vote".
Un sondage réalisé fin septembre par l'IFOP pour le Journal
du dimanche donne raison au député-maire de Coulommiers puisqu'il
révèle que 61% des personnes interrogées iront voter aux prochaines municipales
en fonction de considérations locales. 26% seulement pour sanctionner la
politique du gouvernement.
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